Le témoignage de Sylvie
D’abord diagnostiquée d’un cancer du sein triple négatif, Sylvie, âgée aujourd’hui de 55 ans, a ensuite appris la présence de métastases aux poumons. A chaque annonce, elle a accusé le coup mais a toujours su trouver la force de rebondir. Avec son mari, son fils et ce qu’elle nomme « les petites bulles de bonheur », elle cherche sans cesse à apprécier les belles choses de la vie. Le coloriage et les échanges bienveillants sur les réseaux sociaux sont pour elle des exutoires face au quotidien de la dureté des traitements.
Sylvie, diagnostiquée en 2019
Le diagnostic de Sylvie
On m’a diagnostiquée un cancer du sein triple négatif en novembre 2019 et des métastases au poumon le 9 septembre 2020, le jour de mon anniversaire de mariage.
Avant l’été 2019, j’ai commencé à sentir une boule dans mon sein. J’ai consulté mon généraliste et le jour même, dans l’après-midi, j’ai fait une échographie et une mammographie. Le radiologue a diagnostiqué un kyste. Durant l’été qui a suivi j’ai eu des douleurs de plus en plus vives dans mon sein. C’était comme des décharges électriques. J’ai donc refait des analyses avec un autre radiologue qui a été suspicieux et 10 jours après j’apprenais que c’était un cancer du sein triple négatif.
Tout s’est alors enchaîné très vite : chimiothérapie, mastectomie, curage, radiothérapie et chimiothérapie orale. Au bout de quelque temps, j’ai eu des douleurs dans ma hanche et ai passé un TEP-Scan. Le problème à la hanche était mécanique mais en revanche le TEP-Scan a révélé un nombre incalculable de métastases aux poumons.
La famille, les proches
Mon époux me tient la main, il me réconforte, il me soutient, il me donne la force d’avancer au jour le jour. Il essuie aussi beaucoup de larmes. Il a été présent à chacun de mes rendez-vous. A cause de la crise sanitaire, il ne peut plus me suivre aux rendez-vous médicaux et ça me manque énormément. Le pire ça a été le jour où il m’a déposée avec mes deux seins et qu’il soit revenu me chercher, quatre jours après, avec seulement un sein. Sans même pouvoir entrer dans l’hôpital. Je lui dis régulièrement qu’il est mon pilier et, que sans lui, je ne saurais mener ce combat. Je ne saurais pas faire. Il me dit que je suis forte. Mais je suis forte car il me donne beaucoup de force et beaucoup beaucoup d’amour.
Peu de temps après le diagnostic, on est allé se promener en bord de mer et j’ai dit à mon époux : « tu vois on vit bien, on est heureux… Mais à partir de maintenant j’aimerais qu’on vive chaque instant comme si c’était le dernier ». Je m’émerveille et je vis du coup chaque instant présent. La moindre petite bulle de bonheur, ne serait-ce qu’une sortie au restaurant, une promenade au bord de mer, je la vis en plein conscience, avec beaucoup de gratitude et d’émerveillement. J’ai donc demandé à mon époux de vivre ainsi à mes côtés. Il m’a répondu qu’on devrait vivre depuis longtemps comme ça.
L’hygiène de vie
Avant la maladie je faisais beaucoup de sport et j’avais déjà une bonne hygiène de vie. Aujourd’hui avec l’intensité de la maladie et des traitements, je ne peux plus en faire comme avant. Ça me manque car j’étais tonique et que j’avais un bon cardio. Maintenant je suis très vite essoufflée avec le moindre effort et j’ai du mal à le gérer. Du coup je marche mais mes médecins aimeraient que je marche plus (rires).
La gestion de la maladie
A chaque annonce, j’ai beaucoup pleuré car j’ai eu très peur. C’était un monde inconnu pour moi. C’est comme si je tombais à l’eau, en pleine mer, et que je ne savais pas nager. Je tombe et, arrivée au fond, l’instinct de survie me fait comme taper des deux pieds au sol et surgir de l’eau. Et là avec le tempérament que j’ai et la force que j’ai, à chaque fois j’ai enclenché la première et j’ai mis en route une machine de guerre. La famille me donne envie de me battre et de vivre encore plein de choses comme avoir des petits-enfants. Et maintenant avec beaucoup de recul, je me dis : « Oui Sylvie, si t’es forte en fait ». Parce que ça fait aujourd’hui quand même 21 mois que je suis dans ce combat. Je suis en chimio deux semaines sur trois. Le rythme est fou et le traitement est extrêmement difficile.
J’ai eu des chimiothérapies néo adjuvantes, une mastectomie et un curage. A l’issue, j’ai eu 25 séances de radiothérapie et un peu moins de 4 mois de chimio orale. J’ai ensuite bénéficié d’un essai clinique d’immunothérapie en double aveugle, couplé à deux chimios. J’ai eu une bonne régression puis deux mises en sommeil. Mais malheureusement au bout de quelques mois j’ai eu une nouvelle annonce et ai dû repartir sur une nouvelle lignée de chimios.
A ce jour, j’ai déjà fait 38 chimios, je suis sur ma 4e lignée. C’est de la chimiothérapie très difficile. Je suis très souvent anémiée, avec des soucis de neutrophiles. Et donc je suis très fatiguée. En septembre, j’aurai un scanner qui me dira si cette chimio actuelle fonctionne sur mes métastases au poumon ou non. Je suis prêt à entendre le pire. Mais je me dis que si la chimio « dégomme » aussi bien mes métastases que mon sang, je pense que je peux avoir une bonne nouvelle au prochain scanner. L’avantage du triple négatif, c’est qu’il existe beaucoup de chimios.
J’ai eu beaucoup de mal à accepter la maladie et le rythme des traitements. Et puis surtout, la maladie m’a fait comprendre qu’il fallait tenir sur la longueur et ça a été très dur. J’ai donc appris à lâcher prise et à m’écouter. Je m’autorise à présent à pleurer, à manger, à boire, à me reposer, à dormir à ma convenance à moi. Je pense que je suis même devenue un petit peu égoïste mais je crois que j’en ai besoin pour avancer.
L'engagement
Avant la maladie, j’aimais bien poster des choses de type « lifestyle » sur les réseaux sociaux. Mais après l’annonce, mon compte Instagram est devenu mon exutoire. Il me sert à mettre des mots sur des maux. Je reconnais que c’est assez chronophage mais ce compte me fait beaucoup de bien. J’ai des abonnés qui me donnent beaucoup de douceur, beaucoup de force, beaucoup de beaux mots, de doux mots. J’ai d’ailleurs fait de très belles rencontres grâce ce compte. Du virtuel qui s’est transformé en réel et j’ai trouvé ça magique.
Par ailleurs, je suis moi-même abonnée à beaucoup de « cas-sister » et j’ai la volonté d’envoyer un petit mot de soutien, de réconfort. Je reçois beaucoup et je suis généreuse donc je veux donner beaucoup aussi. Je m’implique par ailleurs dans l’autopalpation chez les jeunes femmes. Je trouve que c’est important qu’elles apprennent à toucher leur corps le plus tôt possible. On en parle beaucoup sur Instagram.
Les activités
Je fais une séance d’acuponcture tous les 15 jours. Je fais de la sophrologie au sein de mon institut. Et je vois une psychologue toutes les semaines. On fait des séances d’EMDR, ce qui me permet d’apaiser des souvenirs très douloureux.
L’activité qui me plaît et qui m’aide à gérer le stress, c’est le coloriage. Ça m’aide à me concentrer et ça me permet de me recentrer sur l’instant présent. Mon esprit est absorbé par le fait de bien colorier et par le choix de chaque crayon de couleur. Je ne pense qu’à mon coloriage. Ça permet aussi d’être nomade : je peux prendre des petits livrets et les amener pour mes séances de chimio. J’ai beaucoup colorié pendant la crise sanitaire car j’ai parfois été toute seule à l’hôpital. Cela me permettait de m’évader.
Un message ou un conseil pour d'autres patientes ?
J’ai des soignants qui s’occupent très bien de moi. Ils sont ponctuels, bienveillants, à l’écoute. Au moindre doute, je fais un examen. J’ai confiance en l’ensemble de mes thérapeutes, aux médecins avec lesquels je fais des soins de support.
Et je voudrais dire à toutes les femmes qui ont un cancer métastatique comme moi qu’elles sont belles, qu’elles sont fortes. Et je voudrais que, comme moi, elles aient confiance en l’ensemble de leurs soignants.