Le témoignage de Brigitte
Diagnostiquée en 2006 d’un cancer du sein, Brigitte a d’abord connu la chimiothérapie puis vécu pendant plusieurs années une forme de rémission. Depuis 2015, elle sait que son cancer du sein est métastatique. Déterminée à « vivre avec », elle compte sur les nouveaux traitements mais aussi et surtout sur le soutien indéfectible de ses proches. La « motothérapie » et son positivisme sont ses moteurs au quotidien.
Brigitte, diagnostiquée en 2006
Le diagnostic de Brigitte
En 2006, j’ai senti une boule au niveau des cadrans en haut à gauche de ma poitrine. Après des examens de mammographie et d’échographie, on m’a décelé un cancer du sein. Au moment de l’annonce, j’étais jeune, j’avais 38 ans et j’étais maman d’un enfant de 5 ans. C’est quelque chose d’extrêmement violent parce qu’on est dans une dynamique de vie et on nous dit : « stop, tout s’arrête ». Devenir « patient », c’est aussi apprendre la « patience » : on se dirige vers quelque chose de très lent. On ne sait pas trop où on va et il faut en même temps être très combattif.
J’ai tout de suite entamé des démarches auprès d’un chirurgien, un oncologue et un radiothérapeute. J’ai fait de la chimiothérapie pendant 6 mois puis radiothérapie et hormonothérapie. J’ai ensuite pu « vivre avec » pendant 9 ans, pendant ce qu’on peut assimiler à une rémission. Mais en 2015, des analyses décèlent une phase métastatique osseuse. On a alors engagé une vertébroplastie et à nouveau un traitement hormonal, afin de continuer à vivre normalement.
En 2019, on décèle malheureusement une nouvelle phase métastatique, avec des métastases osseuses, pulmonaires et pleurales. On a donc engagé un nouveau traitement à base d’hormonothérapie. Mais les résultats n’étant pas suffisants, il a fallu passer à de la chimiothérapie par voie orale. Je suis donc les effets, avant un nouveau bilan attendu en décembre 2020. On verra ensuite quel protocole mettre en place, en fonction des résultats.
Heureusement, il faut noter que la médecine évolue concernant le cancer du sein métastatique. J’espère pouvoir bénéficier des nouveaux traitements en la matière.
La famille, les proches
J’ai deux hommes à la maison qui réagissent très différemment. Mon mari est comme un « booster », il est très positif. Cela m’aide beaucoup. Mon fils est davantage dans l’affection, dans l’attention. Il va toujours me dire le petit mot qui va bien, comme un « coach » presque. C’est amusant, c’est mon fils, mais bon (rires) ! C’est un soutien au quotidien. Et puis parfois ils en ont un peu marre que je râle, alors ils me disent : « c’est bon, arrête de te plaindre » (rires). Et ça m’aide aussi parce que je repars, je me calme et j’essaie d’avancer.
J’ai aussi la chance de compter sur mes nombreux ami(e)s. J’ai des attentions au quotidien, des petits mots, des photos : des petites choses qui font que je les sais présents. On est une équipe soudée, on s’amuse finalement beaucoup pour oublier le côté morose de la vie.
L’hygiène de vie
Ce n’est que récemment, à ma dernière phase métastatique, que j’ai compris qu’il fallait que je m’alimente autrement. J’ai aussi fait appel à une naturopathe. Comme je suis chargée en médicaments, j’ai besoin que mon corps « s’oxygène » à côté. C’est un accompagnement pour arriver à mieux gérer les effets sans pour autant réduire les bénéfices des médicaments.
Je coure moins qu’avant car j’ai des effets indésirables sur les articulations. En revanche, je marche beaucoup. Physiquement et moralement, cela me fait énormément de bien. La nature est une source d’énergie, de bien-être et d’apaisement. Cela me calme beaucoup. J’aime me retrouver en osmose avec les arbres, le vent et tout ce qui passe autour de nous dans la nature. Et justement la maladie aide à comprendre que tous ces instants sont importants.
La gestion de la maladie
A chaque fois qu’il a fallu apprendre des résultats négatifs, j’ai un gros coup au moral mais je sais que je remonte la pente ensuite. C’est très dur la chimiothérapie, ça « bousille » tout et il faut s’en relever. Mais on y arrive et quand ça se termine, c’est un peu une renaissance : les cheveux repoussent, on reprend une vie normale, on reprend le travail, etc. Après cette période difficile, on arrive à quelque chose de tellement positif que ce serait presque « sympa » que tout le monde le vive pour se rendre compte à quel point la vie est importante !
Je ne suis pas toute seule, j’ai ma famille, mes ami(e)s. Ils comptent sur moi et moi je n’ai bien sûr pas envie de rester malade. J’ai envie de vivre, j’aime la vie et c’est important de se battre jusqu’au bout. Il ne faut pas oublier qu’on a de la chance d’avoir des traitements, il y a des gens dans le monde qui n’ont accès à rien. Il faut se donner tous les atouts nécessaires pour être en bonne santé, pour avoir la force de combattre. Ma naturopathe m’aide par exemple beaucoup. J’ai plein de choses qui m’aident à côté pour rester positive et c’est très important !
La situation financière et professionnelle
Il y a 15 ans, au moment du premier diagnostic, c’était compliqué. J’étais en mi-temps thérapeutique et une bonne partie de mon salaire était malheureusement en variable…
Aujourd’hui dans ma nouvelle entreprise, en tant que RH, c’est beaucoup plus agréable. Des choses sont mises en place au niveau de la prévoyance et puis surtout j’ai un accompagnement de mes collègues au quotidien. Ils m’appellent et essaient de savoir si je vais bien. Ils m’ont même poussée à me faire reconnaître travailleuse handicapée. J’ai aussi un médecin du travail qui me suit. J’ai donc un très bon accompagnement.
Pendant de longues années, je n’ai pas dit que j’étais malade. C’était lourd à porter parce que je pensais que cela mettrait en péril ma carrière. Le jour où je l’ai révélé à mes collègues, j’ai eu un retour très positif. On passe de l’étape du sherpa qui porte son sac à dos toute seule à la personne qui est forte et qui se bat. Je suis presque devenue un modèle pour les autres, ce qui est parfois gênant parce que je ne suis pas un héros non plus ! Face à la maladie, on a tous l’instinct de survie et on ferait tous pareil.
Côté finances, avec la prévoyance de mon entreprise, mon salaire est maintenu à 80% et j’ai des indemnités journalières en complément de la CMS. Je suis donc « protégée » jusqu’à mon retour complet au travail. Je n’ai finalement pas d’impact au niveau financier.
L'engagement
Pour moi, c’est important de témoigner, de relayer et de partager avec les autres ma maladie, car j’ai la chance d’avoir naturellement un positivisme et une dynamique. Je pense qu’il y a des personnes qui ont beaucoup de mal par rapport à la maladie et qui ne savent pas à quoi s’accrocher. C’est donc bien de pouvoir être moteur quand on le peut : donner des petits secrets, ses petites techniques pour tenir le coup. C’est un partage. Moi je prends aussi des autres femmes qui témoignent et que je trouve supers. C’est très important d’être dans le partage pour être soigné(e) et pour aller bien.
Les projets professionnels
Je continuerai toujours à travailler comme avant, avec mon dynamisme, tout ce que je peux apporter avec mes compétences mais aussi mon vécu.
J’ai vu que l’on développait des compétences avec la maladie : l’adaptation, le courage et plein de choses qui sont peut-être inconscientes, qu’on appelle les compétences inconscientes. En étant positive, je peux apporter des choses dans une équipe, être moteur. Il y a une vision de la vie qui est totalement différente. On a compris des choses, que chacun peut d’ailleurs arriver à comprendre avec son cheminement personnel. En tout cas, cette maladie fait voir la vie comme quelque chose d’important, de beau, et qu’il faut en profiter maintenant, tout de suite. A l’avenir, j’envisage de monter un blog et pourquoi pas écrire un livre !
Les activités : la motothérapie
J’ai découvert la motothérapie comme étant un outil essentiel pour continuer à avancer. Si cela ne me fait pas guérir, cela m’aide en tout cas à vivre avec !
J’applique ma façon de piloter ma moto à ma vie : je suis en équilibre, en inter-file, je me dépasse, j’ai peur, etc. Quand j’ai peur, j’essaie de comprendre pourquoi j’ai peur et j’essaie de gérer ma peur, et ainsi de suite. Je pense que dans la maladie, c’est pareil. Surtout si on est métastatique, on ne sait pas ce qu’il va arriver demain. La moto c’est l’instant. Même s’il faut bien sûr un peu anticiper, il ne faut pas anticiper qu’un chat va traverser la rue sous nos roues…
Mais s’il le fait, on va le gérer ! Dans la maladie c’est pareil : si un problème survient, il va falloir mettre des choses en place. C’est aussi évidemment l’idée de suivre une route, d’atteindre un objectif, avec tout ce qui se passe en chemin. Et puis il y a cette sensation de bonheur, de liberté, de prendre tout ce qui arrive à 200%. Les odeurs et les sensations sont décuplées…
Mon mari et mon fils sont motards, on part ainsi en « roadtrip familly » ! Avec ma maladie, j’ai eu envie qu’on partage des voyages ensemble avec tout ce qui va avec : le quotidien, l’entraide, le soutien, le défi. La moto est devenue indispensable pour moi.
On dit que le motard est grégaire : il y a un qui se gare et tout le monde arrive (rires) ! Mes ami(e)s ont la même passion et on partage ça tous ensemble. J’ai d’ailleurs une amie qui fait de la moto et qui est aussi malade. C’est pareil : on se soutient et on avance ensemble.
Un message ?
Si j’avais un message à passer aux gens qui viennent d’apprendre qu’ils sont malades ou alors qui sont dans le combat, je leur dirais de croire en la vie et d’être en équilibre. Il faut continuer de vivre avec le maximum de libertés et de profiter de tout à 300% à l’instant présent. Avec bien sûr les moyens dont on dispose. Il faut apprendre à composer avec, de façon progressive, sans forcément se donner d’objectifs trop lointains. Encore une fois, il faut être dans l’instant présent.