Le témoignage d'Amélie
Alors qu’elle n’avait pas encore 30 ans et qu’elle projetait d’avoir un enfant, Amélie a appris qu’elle était touchée par le cancer du sein. Après deux ans de traitements et une mastectomie, c’est le coup dur : le cancer du sein est métastatique et elle ne pourra pas avoir d’enfant. Grâce au soutien de son mari et ses proches, Amélie a fait face et s’est donnée les moyens d’avancer. Elle se livre sur ses solutions, son activité « passion », mais également sur les belles rencontres qu’elle a tissées avec d’autres femmes malades.
Amélie, diagnostiquée en 2014
Le diagnostic d'Amélie
En 2014, à la suite d’un protocole de FIV (Fécondation In Vitro) pour avoir un enfant avec mon mari, on m’a diagnostiqué un cancer du sein dit « primitif » ou « classique ». J’ai alors subi 10 mois de traitements assez lourds et une opération de mastectomie. Je devais aussi suivre 10 ans d’hormonothérapie. Au bout de deux ans de ce traitement, dans le cadre d’une fenêtre thérapeutique, nous avons décidé, avec mes médecins, de faire une coupure de traitement pour relancer le projet bébé. Mais lors des examens complémentaires, on m’a découvert des lésions métastatiques au niveau du foie.
A ce moment-là, ça a été très compliqué à accepter. Il a fallu faire face à l’annonce de l’échec de maternité mais également entamer un nouveau combat qui s’annonçait éprouvant contre le cancer du sein métastatique. Le foie était très atteint, inopérable et mon pronostic vital était engagé. Après la reprise d’un protocole de chimiothérapie injectable, les résultats étaient stationnaires : le cancer n’avançait pas mais ne reculait pas non plus. Mon premier oncologue ne me proposait à ce moment-là plus de solution thérapeutique mais plutôt de l’hormonothérapie pour « gagner du temps ». Mais ce n’était pas envisageable pour mon mari et moi, on voulait chercher une autre solution ! J’ai donc changé d’oncologue. Elle m’a proposé une thérapie orale qui a donné de très bons résultats très rapidement. Depuis août 2017, je suis en réponse métabolique complète. La chimiothérapie m’a permise de faire une opération et d’enlever les lésions restantes. Aujourd’hui, les marqueurs sont bons mais à chaque fois que je fais un examen, je sais que ça peut être l’annonce de la récidive. Néanmoins, concrètement, il n’y pour l’instant plus rien aux images.
La famille, les proches
Ça a été un tsunami pour moi mais je pense que c’est encore plus dur pour les proches. La perspective de perdre quelqu’un qu’on aime et de si jeune, ça paraît injuste. Sans compter qu’en tant qu’accompagnant, on se sent totalement démuni : on a l’impression de ne rien pouvoir faire, de ne rien pouvoir maîtriser.
Pour moi, ça été dur de leur annoncer ça, leur imposer cette souffrance, cette angoisse. J’ai donc essayé de les préserver autant que possible. Ça rajoute donc à sa propre angoisse, ce quin’est pas forcément évident. Il a fallu passer par ça. Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir un mari très soutenant, très aidant et très fort. Il a toujours su m’aider à surmonter les moments de moins bien. Le conjoint, c’est celui qui est là tout le temps et qu’on épargne le moins. Et j’ai eu la chance d’avoir un mari très fort pour m’aider !
L’hygiène de vie
Avant la maladie, je ne faisais pas particulièrement attention à mon hygiène de vie mais je n’ai jamais fait d’excès non plus. Le sport n’était pas très présent dans ma vie. Après l’annonce du cancer primitif, j’ai participé à un essai thérapeutique mettant en lien le sport et la maladie. C’était le rugby qui était proposé et j’ai trouvé cela formidable. J’ai pu voir des effets positifs comme l’amélioration de mon ressenti face aux effets secondaires du traitement mais aussi moins de fatigue.
Aujourd’hui je ne fais plus de rugby mais le sport est devenu important dans ma vie. Je fais de la course à pied, du fitness, du cardio : des choses que j’aime faire naturellement et qui ont un effet positif !
La gestion de la maladie
Quand on m’a annoncé le cancer métastatique, j’ai lu tout le compte-rendu. C’était peut-être une bêtise d’ailleurs. J’ai alors réalisé que le combat serait très dur. Finalement, même si je donnais tout ce que je pouvais, je pourrais malheureusement ne pas m’en sortir… Il a donc fallu intégrer la notion de mortalité et l’accepter. C’est quelque chose que l’on n’aborde pas souvent car ça fait peur et car ça n’est pas agréable. Mais j’ai fait un gros travail là-dessus et aujourd’hui je suis plus sereine. Certes, c’est facile à dire maintenant car je suis en réponse métabolique. Mais pour autant je peux toujours avoir une mauvaise annonce de récidive et j’ai appris à vivre avec ça. J’essaie de profiter au maximum du temps qui m’est accordé et je verrai par la suite. Je n’ai pas d’emprise sur la récidive donc j’essaie d’être plus sereine par rapport à ça.
La situation financière et professionnelle
Je suis infirmière et j’avais repris mon travail entre les deux salves de la maladie. Mais quand j’ai récidivé, étant sous traitement en permanence, avec une fatigue chronique qui s’installe, ce n’est pas évident de reprendre un travail. Il faut arriver à faire accepter à un patron que, certains matins, vous n’arrivez pas à vous lever. Donc en fait on reste en arrêt longue maladie mais ce n’est pas sans incidence financière. Je suis passée en statut « invalidité », qui est calculé sur les 10 meilleures années de salaire de votre carrière. Malheureusement je n’ai pas travaillé 10 ans car je suis tombée malade à 28 ans et donc j’ai des années où je n’ai pas gagné le moindre centime… et qui sont donc entrées dans cette moyenne-là… Ce qui fait qu’aujourd’hui j’ai une rente d’invalidité qui n’est pas grande.
Je ne me plains pas car j’ai la chance d’avoir un mari qui compense ma perte. Mais quelqu’un de seul peut vite se retrouver dans une situation financière très compliquée. Si on a un prêt sur le dos et qu’on ne peut pas le rembourser, c’est également compliqué. Et dans l’autre sens, si aujourd’hui je veux contracter un prêt auprès d’une banque, bien que je sois en rémission, on me rappelle que j’ai été malade et que ce sera compliqué de me faire confiance… C’est donc dur sur le plan financier lorsque l’on a une maladie chronique, que l’on ne peut évidemment pas cacher.
L'engagement
Au début je n’avais pas envie de communiquer sur ma maladie mais je souhaitais cependant trouver des témoignages encourageants. Ça a été agréable d’échanger avec des femmes qui se battaient et qui remontaient le moral. Quand j’ai récidivé, je me suis dit que je pouvais moi aussi faire part de mon expérience pour que ça serve aux autres. En donnant des conseils, des astuces, cela permet de donner un sens à tout ça. Comme je ne travaillais plus, j’avais envie de donner mon aide. J’ai fait des rencontres fabuleuses, qui sont les plus belles que j’ai faites dans ma vie. Ce sont des femmes qui ne sont plus là aujourd’hui mais qui m’ont apporté tellement en termes d’émotions et d’apprentissage de la vie. C’est toujours avec beaucoup d’émotion que je parle d’elles mais je ne regretterai jamais car je garde d’excellents souvenirs, au-delà d’ailleurs de la maladie, car c’était beaucoup de rires et de bons moments. Ce n’est pas sectaire mais, quelque part, vous ne vous sentez comprise que par les gens qui ont traversé la même chose que vous. Avec le décès de certaines femmes, j’ai eu beaucoup de peine et j’ai connu la dépression. Aujourd’hui, je prends peut-être un peu de recul et je m’investis moins émotionnellement car je ne peux pas revivre la perte de copines malades éternellement. C’est très dur et il faut aussi prendre soin de soi.
Les projets professionnels
Au lieu d’être dans l’angoisse de l’avenir, avec mon mari on a pris la décision de vivre notre vie. On a envie de changer de maison car c’est ici que l’on a vécu toutes les phases les plus dures associées à la maladie. On pense à créer des gites insolites ou des cabanes dans les arbres par exemples. Je vais sûrement laisser ma vie d’infirmière de côté et me reconvertir dans autre chose pour ne plus être confrontée forcément à la maladie. On a donc juste envie de tourner une page et de regarder vers l’avenir.
Les activités
Peu avant de tomber malade, j’ai découvert une activité : une pâte qui ressemble à la pâte à modeler et qui permet de fabriquer plein de choses ! Je me suis fait un badge pour moi : « Amélie, infirmière » avec une seringue. Ça a plu à des collègues donc j’ai commencé à en faire pour les autres. Quand je suis tombée malade, je me suis réfugiée là-dedans car c’est un moment où je ne pense à rien d’autre. La maladie n’existait plus et je pouvais faire cela pendant deux ou trois heures sans y penser. Aujourd’hui je fais donc des badges pour le personnel soignant, on peut me contacter via Instagram pour commander un petit badge personnalisé ou une plaque de porte pour les enfants. C’est donc quelque chose que je fais depuis 7 ans et qui me permet vraiment de m’évader.
Un message ? / un conseil pour d'autres patientes
Si j’avais un conseil à donner à toute personne qui souffre d’une maladie, ou même qui ne souffre d’aucune maladie, c’est de ne jamais s’arrêter de rêver, de ne jamais s’arrêter d’avoir des projets. Toujours foncer et, tant qu’on est là, il faut en profiter.